Une fois de plus, ce blog va devoir, à mon corps défendant, sacrifier au goût bien contemporain de l'exotisme.
C'est que, par les temps qui courent, l'honnête naturaliste ne peut plus mettre le nez dehors sans avoir à contempler des espèces, végétales ou animales, que les lois de l'évolution ne prédisposaient nullement à prospérer dans notre bon vieux Paléarctique occidental. Le Père Darwin n'en finit plus de se retourner dans sa tombe.
Nos terres brabançonnes, envahies de tout temps par la soldatesque internationale (remember 1815), n'échappent pas au phénomène. Balsamine de l'Himalaya, Perruche à collier, Ouette d'Egypte, Renouée du Japon, pour ne citer que les plus envahissantes, mercenaires de la mondialisation galopante, croissent en nos contrées au péril parfois des espèces indigènes et probablement de la biodiversité.
Ne voyez pas ici une condamnation de ces belles envahisseuses ni aucune nostalgie pour un état de nature qui serait à jamais figé. L'équilibre dans la nature n'est jamais atteint définitivement et l'histoire de la biosphère (comme de la blogosphère du reste) est jalonnée d'extinctions et d'apparitions d'espèces, parfois très brutales.
Homo sapiens est responsable de ces introductions massives, souvent volontaires. Mais est-il capable de gérer les conséquences de ses initiatives douteuses?
Pas plus tard que récemment, me promenant du côté de la charmante bourgade de Lasne (prononcez "Lenne"), mon attention fut attirée par un troupeau de bestiaux de belle taille qui broutaient nonchalamment dans une prairie humide en bordure de la rivière qui donne son nom à la localité.
"Qu'est-ce que c'est que ça maintenant ?" me susurrai-je en mon for intérieur...
M'approchant, je m'avisai que les volatiles pâturant appartenaient à l'espèce Branta canadensis, la Bernache du Canada. Tabernacle!
Ce palmipède d'origine américaine a été introduit d'abord en Angleterre pour orner certains parcs. C'est beaucoup plus récemment qu'il s'est acclimaté sur le continent où il forme aujourd'hui des populations "férales" (ça veut dire qui parviennent à se reproduire sans l'aide de l'homme).
De plus en plus nombreuse, la Bernache du Canada est aujourd'hui considérée comme une espèce problématique.
Elle est accusée de concurrencer l'espèce européenne Oie cendrée dont elle envahit les territoires. Elle présenterait même un risque d'hybridation avec la Bernache nonnette (à ma connaissance, ce n'est pas prouvé).
En Belgique (et plus particulièrement en Flandre), la Bernache du Canada se compte par milliers d'individus. Selon une étude de la LPO, il y en aurait 5.000 en France.
Depuis deux ans, l'espèce peut être chassée en Wallonie, sans qu'il semble que cela ait des répercussions sur sa démographie. Comme pour le cas de la Perruche à collier, il paraît irréaliste (et sans nul doute cruel) d'envisager une éradication.
Le fait de rendre l'animal chassable peut tout au plus avoir un effet limitatif sur ses populations.
Pour corser le tout, le deuxième groupe de bernaches rencontré était accompagné d'une oie blanche (oie domestique) qui pâturait de conserve (pas de cassoulet...). Gaffe aux hybridations!
Un dernier regard sur ces belles étrangères qui finiront par obtenir leur naturalisation .
A propos de belle étrangère, lors de la même promenade, je n'ai pu résister au plaisir de photographier une Balsamine de l'Himalaya bien fleurie.
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